Petit homme, immense artiste !
Une formule très réductrice, mais révélatrice probablement de la personnalité et de la vie du grand « Monsieur Aznavour », incarné à l’écran par Tahar Rahim.
Le film nous livre le portrait sensible, en ombres et en lumières, de l’homme et de l’artiste, et de son extraordinaire chemin de réussite.
Petit homme
Fils d’immigrés arméniens vivant très modestement, et homme de petite taille, Aznavour voyait semble-t-il son physique et ses origines comme de sérieux obstacles à sa réussite. Il retirait du coup une grande fierté de chaque petit succès obtenu… avant d’en convoiter un plus grand.
Ce qu’il présentait comme une contrainte, était en fait pour lui un puissant moteur de réussite.
Réussir !
Réussir a été visiblement pour Aznavour l’obsession d’une vie, en même temps qu’une force qui lui a donné une volonté d’acier, et une capacité de travail hors-normes. Cette intelligence de la réussite, mélange d’intuition, de séduction et de capacité d’adaptation, lui a permis de franchir tous les obstacles, jusqu’au sommet.
Le regard de l’ennéagramme
Taille, ambition, volonté, réussite… il y a là tout un champ lexical très révélateur de la base 3. Sensibles au regard des autres et très préoccupées par l’image qu’elle donnent, les personnes en base 3 cherchent à briller, à être admirées. Leur réussite doit donc être visible, et si possible éclatante. De ce point de vue-là, Aznavour a été un exemple fort, quasi archétypal, de ce profil de personnalité.
Qui trop embrasse…
Vouloir toujours briller et maintenir l’image qu’on veut donner de soi a un prix, qui est généralement une grande difficulté à se connecter de façon authentique à soi-même, comme à ses proches. Pour ne pas ralentir sa course, vouloir réussir fait se couper de ses émotions. Se suradapter aussi fait toujours se couper de soi, au risque de voir se diluer la personne que l’on est, dans le personnage que l’on joue.
Se connecter à soi-même
Paradoxalement, c’est au moment précis où Aznavour a commencé à parler d’échec, qu’il a commencé à réussir pour de bon. Plus précisément, il a trouvé son public et découvert son talent quand il a commencé à parler de lui-même, de ce qu’il vivait en profondeur.
La très fameuse « Je m’voyais déjà » en est la parfaite illustration. Non autobiographique, cette chanson comme bien d’autres après elle, était une façon justement de parler de lui, et de mettre en mots et en musique sa sensibilité et son intelligence du cœur, jusque-là muselées.
Le dépassement de soi
Le film nous offre un moment magique avec la naissance de la chanson « Comme ils disent ». Oser parler à la 1ère personne d’homosexualité au début des années 1970’s, l’évoquer avec une telle délicatesse sans la vivre soi-même, et dénoncer le poids du regard des autres… ça fait beaucoup, notamment quand on est en base 3. Ajoutons un texte et une mélodie magnifiques, et on a le petit chef d’œuvre que l’on connaît, concentré du génie de son auteur.
Immense artiste !
Avec Aznavour, les mots ont leur propre musicalité, et les phrases, riches et ciselées, sont bien volontiers fredonnées. « La Bohème » devient une mélodie et un poème, évoque la nostalgie d’une vie qu’on aurait aimé avoir eue, et qu’on voudrait bien s’approprier un peu. Un « Non, je n’ai rien oublié » nous replonge dans un amour de jeunesse, ou dans une partie de nous-mêmes que nous n’avons pas laissée grandir, quand un « Emmenez-moi » nous entraîne vers un soleil lointain, ou un espoir nouveau.
Il a été un immense artiste parce qu’il nous connecte encore aujourd’hui à nous-mêmes, à la subtilité de nos émotions, à ce qui fait l’essence des relations authentiques. Qu’il ait eu du mal à faire ces connexions dans sa propre vie n’enlève rien à son talent, bien au contraire. Cela nous rappelle juste que dans nos blessures se trouve souvent un extraordinaire réservoir de créativité, et une puissante énergie pour se réaliser pleinement, librement du regard des autres.
Bon film !